Olivier S: Deux ans que j’attendais ce moment et je suis là, présent sur la ligne de départ, CILAOS 1210m. J’entends l’hymne du grand raid. Je pense à toutes les paroles et tous les messages d’encouragements. Je me remémore toutes ces heures passées à l’entraînement. Je me dis: allez ça va le faire!
21h les moitiés fous sont lâchés. Ça part vite: la foule, les cris, la musique nous poussent. Longtemps nous allons les entendre et voir s’éloigner les lumières du stade de CILAOS. Quelle ambiance! Puis le bruit du souffle et des pas prennent le relais, ça monte facile, ça court sur ces 6,5km. J’arrive au BLOC, début de la première difficulté, une ambiance digne du tour de France nous y attend. Une montée en direction du plus haut sommet de la Réunion: Le Piton des Neiges culminant à 3070m. Tout le monde marche, activement, moi je me dis tranquille, j’ai le temps, profite de ces marches, plus ou moins hautes, de ces échelles, de ces murs! Mais que j’ai chaud, je transpire grave. J’arrive au col dans mes temps ( 2h) à 2478m après 11km de course. Ravito express en eau et je bascule dans la descente. Je n’avance pas ou quoi?? Je n’arrête pas de me faire doubler, à droite, à gauche. Bon je me dis «allez y les gars cramez vous les cuisses, on se retrouvera plus loin». Faut être soit équilibriste soit ne pas s’aimer car sur ce terrain pentu avec des cailloux saillants, des creux d’un mètre, c'est impossible de courir, enfin moi je m’y refuse. J'apprendrai après que je suis passé de la 67ème à la 126ème place sur ce passage.
J’arrive à HELLBOURG, 1500m plus bas. Nous sommes au km 23. Mon assistance est là. Je râle, comme d’hab, j’ai chaud, c’est dur, j’ai pas faim, j’ai soif! Reboosté je repars et on se donne rdv au prochain ravito PLAINE DES MERLES. Petit répit descendant sur de la route, ça déroule bien puis on remonte pour aller jusqu’au col des Fourches, passage pour rentrer dans MAFATE. La nuit est chaude, pas de vent, la lune nous éclaire, on repasse sur la mer de nuages, on aperçoit les ombres des pitons qui nous entourent. Cette montée est plus simple techniquement, la pente est moins raide. Je vois mon assistance au taquet à ce ravito. Je suis au km 37 et je viens de faire 2820m de D+. Je décide de m’allonger un peu et ferme les yeux 5 minutes. J’en avais eu envie pendant la montée, donc fais toi plaisir.
Je ne reverrai plus mes enfants pendant un long moment puisque maintenant c’est le Cirque de Mafate qui m’attend. Je bascule donc sur MAFATE au levé du soleil. Quel silence, seul le cri des oiseaux me souhaite la bienvenue dans ce milieu hostile. Je vois en face de moi le rempart du MAIDO se dévoiler, sur ma gauche les trois SALAZES et le col du TAIBIT, c’est grandiose. Et le petit village là bas? Ah Oui c’est pas à côté! J’arrive à MARLA après 9h de course et 43km parcourus, il est 6h. Je sens la chaleur du soleil monter plus directement sur ma peau que sur les sentiers abrités, il n’y a guère de vent. Mafate n’est pas tout plat. Les traces horizontales d’anciennes coulées de lave du piton des neiges s’offrent à moi. Je vais les contourner, les admirer, les toucher même, sur un profil plutôt descendant. Le moral est bon, le corps suit, mais la chaleur monte de plus en plus dans cette cuvette, jusqu’à 41°c. Je bois, beaucoup mais j’ai des difficultés pour m’alimenter. J’arrive sur le dernier ravito avant la terrible montée de dos d’Âne (800m pour 4,5km). Me ravitaille bien et c’est parti.
Je le savais pourtant mais peut-être pour se protéger l’esprit refuse de trop y penser avant et pendant le début de course. On se dit avance et ne te projette que de ravito en ravito, ne pense pas aux futures difficultés. Cela doit être notre instinct de survie car si on savait …
Bon j’y suis maintenant il faut y aller. Ben non j’y vais pas, je m’assois sur une pierre, je regarde passer quelques concurrents du grand raid. C’est trop dur, j’en ai assez fait. Ah quoi ça sert quoi!? Puis tu penses à ceux qui comme toi n’ont pas dormi et t’attendent à la Possession, ceux qui sont restés en FRANCE, tous ces encouragements. Alors tu te remets debout et tu fais un pas, puis deux, puis trois… Mais qu’est ce qu'il fait chaud! Qu’est ce que je suis épuisé! On me double, c’est mort j’ai dû perdre ma place de 3ème, assieds toi!
«Oh OLIV’»
J'entends des voix maintenant! C’est ma chérie, qui passe, elle aussi une nuit blanche devant son PC, attendant les mises à jour du Live. Je l’entends!
«Oh OLIV’ Doucement mais sûrement, chaque pas que tu feras te rapprocheras de l’arrivée»
OK je me relève et me remets en marche dans un groupe, je me colle au cul et je ne réfléchis plus jusqu’en haut. 2h de calvaire pour 4km!!! Je me douche sous un tuyau d’eau froide et repars, je suis au km73, plus que dix et je retrouve mon assistance. La POSSESSION, que ça fait du bien, massage, pansement sur les pieds avec changement de chaussures. Je repars boosté, mais les quadris refusent. Non pas ça punaise! Je souffle et bois beaucoup. J’attaque le fameux chemin des Anglais, ça monte bien mais je redoute les descentes.C’est pas un chemin, c’est une route de pierres…Effectivement ça couine, ça se fige, c’est tendu quoi! Je m’assois, essaie d’assouplir la bête. Ça repart jusqu'à LA GRANDE CHALLOUPE: km92.
Mon assistance toujours au taque s’occupe de moi comme si j’étais infirme. Merci à eux trois car ils ont été énormes. Ils me remettent en route et me poussent pour les derniers km. J’arrive au dernier ravito du COLORADO tant bien que mal et décide de me faire masser. Je connais la descente, je n’ai pas envie de la faire en marche arrière. Dommage, car je perds ma 3ème place à ce moment la! L’autre objectif étant de terminer, j’attaque la fameuse descente tant redoutée, c’est technique et les appuis ne sont pas très stables. Et vlan, une cheville! Je peste. Un compagnon de route s’arrête et me demande si c’est OK. Oui çà va allez, ne m’attend pas file. C’est reparti et j’entends puis aperçois le stade de LA REDOUTE à SAINT DENIS. Ça sent bon. Je passe sous la nationale, la foule est déjà là et ne me quittera plus jusque sous l’arche, que je franchis fièrement et heureux avec mon assistance de choc.
25H pour ce sacré chantier, que c’est dur mais que ce fut beau et intense! 106KM/6140mD+/7300mD-.